29 mai
2014
Matthieu
28, 16-20
A la fin du temps pascal la fête
de l’Ascension marque une nouvelle étape dans la révélation du mystère du
Christ. Cette fête est en quelque sorte la transition entre la résurrection du
Seigneur et le don de l’Esprit au jour de la Pentecôte, il s’agit donc d’un
passage. Avec l’Ascension le Seigneur Jésus inaugure une relation nouvelle avec
son Eglise et avec ses disciples. Mais les images sont trompeuses. Surtout
lorsque les peintres ont voulu représenter ce mystère en s’appuyant sur la
formulation du Credo : « Il monta au ciel ». Nous savons bien
que l’image du ciel ne correspond pas à un lieu physique situé au-dessus de nos
têtes. Lorsque nous disons « Notre Père qui est aux cieux » nous
affirmons en fait la transcendance de Dieu, le fait que cet être unique, nommé
Dieu, est radicalement différent, autre, par rapport aux êtres que nous
connaissons sur cette terre et qui sont ses créatures. C’est bien parce que le
ciel physique est au-dessus de nos têtes, immensément grand et beau, qu’il a
été choisi pour désigner la différence divine. Dans ce sens-là le ciel c’est ce
qui est propre à Dieu et à lui seul. Le ciel c’est la vie même de Dieu, sa
gloire, sa béatitude. En disant cela nous n’enlevons rien à la difficulté de la
formule choisie par la tradition pour exprimer la signification de
l’Ascension : « Il monta au ciel ». En tant que Fils unique de
Dieu, égal au Père, Jésus a toujours vécu dans le ciel sur cette terre. Le
ciel, il le portait en lui de sa naissance à Bethléem jusqu’à sa mise au
tombeau. Même si en raison de son humanité véritable il a pu éprouver à
certains moments de sa Passion un déchirement intérieur, comme une absence de
« ciel » : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu
abandonné ? » Lorsque nous affirmons que Jésus ressuscité monte au
ciel nous ne parlons donc pas d’un changement qui affecterait le Seigneur. Avec
l’Ascension ce qui change c’est uniquement notre manière d’entrer en relation
avec lui. Le changement est de notre côté. De son côté on peut dire que c’est
seulement le mode de sa présence à notre humanité qui change. De personne
visible qu’il était, il devient invisible à nos yeux de chair : « Ils
le virent d’élever et disparaître à leurs yeux dans une nuée ». Avec la
Pentecôte la fête de ce jour marque le commencement de l’Eglise en tant que
communauté de croyants. Jésus ne nous abandonne pas, il ne nous quitte pas.
Mais il nous donne dans l’Esprit Saint sa présence d’une manière nouvelle.
Saint Pierre exprime bien ce qu’est la vie des disciples à partir de
l’Ascension : « Lui, Jésus, vous l’aimez sans l’avoir vu ; en lui,
sans le voir encore, vous mettez votre foi, vous exultez d’une joie
inexprimable et remplie de gloire, car vous allez obtenir le salut des âmes qui
est l’aboutissement de votre foi. » Le Credo ajoute à l’image de la montée
au ciel une autre image : « Il est assis à la droite du Père ».
L’Ascension correspond au couronnement du Christ comme roi de l’univers,
partageant le pouvoir et l’autorité même de Dieu : « Tout pouvoir m’a
été donné au ciel et sur la terre ». C’est bien sûr en raison du mystère
de son incarnation que le Fils de Dieu reçoit ce pouvoir en s’asseyant à la
droite de son Père. C’est son humanité, donc notre nature humaine, qui est
glorifiée et couronnée. Il est le premier ressuscité, il est le chef d’une
création nouvelle. C’est cela que saint Paul exprime dans la deuxième
lecture : « Dieu l’a établi au-dessus de tout être céleste… Il lui a
tout soumis et, le plaçant plus haut que tout, il a fait de lui la tête de
l’Église qui est son corps, et l’Église, c’est l’accomplissement total du
Christ, lui que Dieu comble totalement de sa plénitude. » Au jour de
l’Ascension le Christ ouvre pour tout homme le chemin d’une vie de communion
avec Dieu. Tout ce qu’il a vécu dans son humanité c’est pour nous, pour que
nous puissions devenir ce qu’il est : Fils de Dieu. C’est par notre foi en
lui que nous aussi nous pouvons déjà vivre du ciel sur cette terre. Non pas en
restant là à regarder vers le ciel, mais en faisant l’expérience que celui qui
est monté au ciel est avec nous tous les jours jusqu’à la fin du monde.