dimanche 13 octobre 2013

28ème dimanche du temps ordinaire


28ème dimanche du TO/C

13/10/13

Luc 17, 11-19

L’épisode de la guérison des dix lépreux est pour nous l’occasion de parler de la vertu de gratitude. Le Nouveau Testament utilise très rarement ce mot. Il n’utilise que très peu un mot semblable, celui de reconnaissance. Dans notre évangile on parle de « glorifier Dieu » ou bien de rendre grâce à Jésus. Les mots sont différents mais la réalité est bien la même. L’action de grâce, la gratitude ou la reconnaissance désignent en effet une attitude spirituelle bien précise et caractéristique du chrétien. Le mot « eucharistie » lui-même signifiant « action de grâce », action de dire merci à Dieu et de reconnaître ainsi ses bienfaits. Avant le chant du Sanctus et la prière eucharistique le prêtre dit une prière appelée « préface ». Le commencement de cette prière nous fait toujours entrer dans l’action de grâce :

Vraiment, il est juste et bon de te rendre gloire, de t’offrir notre action de grâce, toujours et en tout lieu, à toi, Père très saint, Dieu éternel et tout-puissant, par le Christ, notre Seigneur.

Remarquez au passage comment ce texte liturgique reprend les expressions de l’évangile de ce dimanche dans une même formule : il s’agit bien de « rendre gloire » à Dieu et de lui offrir « notre action de grâce ». La préface développe ensuite les raisons que nous avons de rendre grâce au Seigneur. Cette partie change en fonction des fêtes et des temps liturgiques. Si nous regardons le développement de la préface commune n°4 nous constatons que l’action de grâce est un don de Dieu :

Tu n’as pas besoin de notre louange, et pourtant c’est toi qui nous inspires de te rendre grâce : nos chants n’ajoutent rien à ce que tu es, mais ils nous rapprochent de toi, par le Christ, notre Seigneur.

Il est donc clair que la gratitude est une attitude essentielle non seulement dans la prière, prière qui ne doit pas se limiter à la prière de demande, mais aussi dans toute notre vie chrétienne. Pour vivre de cette vertu nous avons besoin de nous replonger dans notre condition de créatures, c’est-à-dire reconnaître humblement que nous dépendons d’un autre à la racine même de notre être. Et que tout ce que nous sommes du point de vue humain et spirituel, nous le sommes grâce à Dieu, parce qu’il nous aime en son Fils unique Jésus. « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? », s’exclamait saint Paul. Notre religion est celle de la gratitude envers Dieu créateur et sauveur parce qu’elle est la religion de la grâce, du don gratuit de Dieu en notre faveur. Savoir nous reconnaître créatures de Dieu, et avec nous regarder tous les êtres, toute la création, comme venant de Dieu, est une grande source de paix et de joie spirituelle. Lorsque nous pensons à la vie de saint François d’Assise il est impossible de séparer le respect qu’il portait à toutes les créatures de la joie profonde qui habitait son cœur. Saint Paul demandait aux chrétiens de faire de toute leur vie « une eucharistie » : Chantez à Dieu, dans vos cœurs, votre reconnaissance.  Et tout ce que vous dites, tout ce que vous faites, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus Christ, en offrant par lui votre action de grâce à Dieu le Père. Si la gratitude est une vertu spirituelle elle est aussi une vertu humaine. Il est essentiel dans l’éducation des enfants et des jeunes de leur enseigner la grande valeur de la gratitude. Cela commence bien sûr par la politesse, attitude qui se perd de plus en plus de nos jours. Savoir dire « merci », reconnaître tout ce que l’on doit aux autres (nos parents, nos professeurs etc.) va cependant bien plus loin que la simple politesse. Cette attitude apprend aux enfants à ne pas se renfermer sur eux-mêmes d’une manière égoïste mais à s’ouvrir aux autres, à reconnaître qu’ils ont besoin des autres pour bien vivre. Le drame de l’enfant roi, pourri et gâté, qui devient vite un petit dictateur, provient en grande partie du fait que cette qualité du cœur n’est plus transmise. Les parents et les adultes doivent bien sûr montrer l’exemple dans ce domaine. Savoir dire « merci » ce n’est pas humiliant. C’est être capable de faire plaisir aux autres et de recevoir soi-même le don de la joie, car il y a plus de joie à donner qu’à recevoir. Sans ce fondement humain comment les enfants pourraient-ils apprendre à dire merci à Dieu ? La vie chrétienne n’élimine pas les simples vertus humaines, elle les présuppose. Un moyen tout simple d’éduquer les enfants au sens de la gratitude humaine et chrétienne c’est la prière avant ou après le temps du repas. En famille nous reconnaissons que cette nourriture nous vient de Dieu créateur, elle est le fruit de la terre et du travail des hommes. Et c’est pour cela que nous devons la respecter et ne pas la gaspiller. Nous le constatons l’esprit de gratitude va de pair avec le respect de la création de Dieu. C’est ce lien qui nous permet de comprendre ce qu’est l’écologie du point de vue chrétien.

 

1 commentaire:

emylia92 a dit…

Il y a dans la dénaturation de la nourriture terrestre, c’est-à-dire la manipulation des produits de la terre par notre industrie alimentaire, un crime contre la création divine, et surtout un crime contre l’humanité.
Je pense au livre remarquable de Robert Redecker, la chair humaine devient cette pâte humaine qui n’est plus qu’un corps, l’esprit ayant été dissout dans le mental qui n’est plus qu’une partie du corps.
Lorsque la suspicion de manipulations dangereuses pour la vie humaine de la nourriture comment serait-il possible d’éprouver cette gratitude alors que la confiance fait cruellement défaut.
Tout ce qui est donc artificiel nous éloigne de Dieu. Ce qui est naturel nous en rapproche.
Je me suis intéressée vivement aux vertus humaines en lisant le livre « Petit traité des grandes vertus » d’André Compte-Sponville (ACS).
De toutes les vertus, la plus petite est la politesse qui n’est presque pas une vertu : Qu’est ce ça change au nazisme un nazi poli ? Rien à l’horreur.
ASC met la gratitude seulement en 10 ieme position, sur une échelle qui va de 1 (politesse) à la plus haute en position 18, à savoir l’amour.
Par exemple ACS met l’humilité dont nous avons bien besoin en 11ieme position seulement.
Je ne dis pas qu’ACS a raison en faisant un tel classement entre les grandes vertus. Je pense que c’est intéressant de s’interroger sur la pertinence de ce classement.
Je note cependant que parmi les plus hautes vertus, toutes ne s’expriment pas dans la prière, excepté l’amour.
Peut être aussi que je me trompe et que je ne connais pas suffisamment la puissance de la prière.

E