mardi 7 septembre 2010

24ème dimanche du temps ordinaire

24ème dimanche du TO/C - 12/09/2010
Luc 15, 1-32 (p. 560)
Ce 24ème dimanche du temps ordinaire est vraiment le dimanche de la miséricorde divine même si nous fêtons cette miséricorde plus particulièrement le dimanche dans l’octave de Pâques. Toutes les lectures abordent cette réalité si importante dans la révélation que Dieu fait de lui-même tout au long de l’histoire du salut. Plutôt que de commenter la célèbre parabole de l’enfant prodigue, je voudrais méditer avec vous et pour vous l’ensemble des lectures. Non pas dans le détail mais en montrant la merveilleuse harmonie qui existe entre ces textes en même temps que l’évolution de la révélation biblique.
Les deux textes de l’Ancien Testament, notre première lecture et le psaume 50, nous montrent un Dieu prêt à pardonner. Même si, face au péché d’idolâtrie du peuple, le veau d’or, Dieu se met en colère et décide dans un premier temps d’exterminer le peuple. Ce peuple qu’il n’appelle plus son peuple mais le peuple de Moïse… Et c’est grâce à la prière de Moïse que « le Seigneur renonça au mal qu’il avait voulu faire à son peuple ». Notez comment au passage l’auteur biblique rappelle que ce peuple n’est pas seulement celui de Moïse mais bien le peuple de Dieu, et cela malgré son infidélité. Cette colère divine nous pose bien sûr question. Et c’est légitime puisque nous apprenons au catéchisme que la colère fait partie des sept péchés capitaux. C’est une étape dans la révélation, étape où l’on transpose facilement les catégories humaines sur Dieu. Ce qui existait aussi dans la mythologie grecque par exemple. Cette colère signifie tout simplement à quel point notre infidélité ne laisse pas Dieu indifférent. Et c’est un grand mystère pour nous que de le constater. Ce Dieu parfaitement heureux en lui-même est en quelque sorte touché par notre péché, blessé par notre ingratitude. Le psaume 50 confesse quant à lui l’amour et la grande miséricorde du Seigneur. Ce cœur de Dieu qui se met en colère, qui est blessé, c’est d’abord un cœur qui aime. C’est d’une manière incompréhensible pour la seule raison humaine que Dieu créateur aime chacune de ses créatures humaines d’une manière unique.
Les deux textes du Nouveau Testament (saint Paul et saint Luc) accomplissent véritablement ce qui a déjà été révélé au peuple d’Israël à propos de ce Dieu qui aime et qui pardonne. Cet accomplissement ne pouvait avoir lieu qu’avec le mystère de l’incarnation, qu’avec la présence visible parmi nous de la parole et de la sagesse de Dieu dans cet homme nommé Jésus de Nazareth. L’apôtre Paul a une vive conscience d’être l’un des premiers bénéficiaires de la miséricorde manifestée en Jésus à l’égard des pécheurs, révélation du cœur aimant de Dieu. En saint Paul, le persécuteur devenu apôtre par la seule grâce du Christ, nous retrouvons, me semble-t-il, les deux fils de la parabole. Avant d’être saisi par le Christ Ressuscité sur le chemin de Damas, Saul ressemble étrangement au fils aîné de la parabole. Il est pharisien, strict observateur de la Loi, zélé voire fanatique, et il peut faire siennes les paroles du fils aîné : 'Il y a tant d'années que je suis à ton service sans avoir jamais désobéi à tes ordres, et jamais tu ne m'as donné un chevreau pour festoyer avec mes amis. Mais, quand ton fils que voilà est arrivé après avoir dépensé ton bien avec des filles, tu as fait tuer pour lui le veau gras !' Le pharisien Saul qui mettait toute sa fierté dans sa fidélité à la Loi de Dieu devait voir d’un très mauvais œil ces chrétiens, membres d’une petite secte juive, qui prétendaient que Dieu donne son salut gratuitement à tous. Il devait être jaloux et en colère, et son fanatisme religieux le poussa donc à les pourchasser et à les persécuter avec haine. Saul connaissait par cœur la loi de Dieu, il l’appliquait scrupuleusement. Mais connaissait-il le Dieu qu’il prétendait si bien servir ? Ne s’était-il pas au contraire renfermé sur lui-même à cause de ce sentiment d’orgueil religieux, de supériorité sur les autres, tous ceux qui ne savent pas ? En fait ce n’étaient pas les chrétiens qui étaient ignorants mais bien lui ! Le Christ m'a pardonné : ce que je faisais, c'était par ignorance, car je n'avais pas la foi ; la grâce de notre Seigneur a été encore plus forte, avec la foi et l'amour dans le Christ Jésus. Lorsque Paul a fait l’expérience de la puissance de la grâce divine, de la force de la miséricorde du cœur de Dieu, en rencontrant le Christ Vivant, il est devenu l’autre fils de la parabole. Pour la première fois de sa vie il s’est senti faible, pécheur, coupable, ayant absolument besoin de retourner vers Dieu son Père par Jésus le Sauveur. En lui la colère et la jalousie de ce fils du peuple élu se sont transformées en une immense gratitude envers le Dieu qui justifie les pécheurs. Désormais une certitude absolue s’imposait à son esprit : Le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs ; et moi le premier, je suis pécheur, mais si le Christ Jésus m'a pardonné, c'est pour que je sois le premier en qui toute sa générosité se manifesterait ; je devais être le premier exemple de ceux qui croiraient en lui pour la vie éternelle. Les 3 paraboles de la miséricorde divine nous enseignent cette réalité bouleversante : chaque fois que nous faisons un pas vers Dieu, que nous lui offrons un cœur brisé et broyé, chaque fois que nous acceptons de reconnaître en nous le fils prodigue, nous faisons la joie de Dieu et des anges ! Parce que nous lui permettons d’être à notre égard ce qu’il est au plus profond de lui-même : Un Dieu Amour, saisi de pitié à notre vue, un Dieu miséricordieux, un Dieu qui part à notre recherche pour nous sauver !

lundi 6 septembre 2010

23ème dimanche du temps ordinaire

23ème dimanche du TO/C
5/09/2010
Luc 14, 25-33 (p.513)
En cette période de rentrée scolaire et de reprise des activités habituelles pour beaucoup, la liturgie nous propose un Evangile particulièrement apte à nous réveiller du train-train quotidien… Un Evangile radical adressé aux grandes foules qui faisaient route avec Jésus, traduisons : adressé à tous les chrétiens. La question centrale de cet enseignement dérangeant est la suivante : être disciple du Seigneur ou ne pas l’être ! A deux reprises le Seigneur nous parle ainsi : vous ne pouvez pas être mes disciples si vous ne faites pas telle chose, si vous n’adoptez pas telle attitude… Réécoutons l’une après l’autre ces sentences « choc » : Si quelqu'un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère, sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs, et même à sa propre vie, il ne peut pas être mon disciple.
De même, celui d'entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple.
Il y a un lien entre ces deux exigences. La première nous demande de mettre l’amour du Christ au-dessus de l’amour pour notre famille et pour notre propre vie. La seconde nous demande de renoncer aux biens matériels. Les liens familiaux, notre vie, nos propriétés ou possessions ont en commun cette qualité d’être des « biens », donc des réalités positives dans notre existence humaine. Pour l’homme qui n’est pas spirituel ces biens sont les biens suprêmes. L’exigence de Jésus dans cet Evangile correspond au fait que seul Dieu est bon, que seul Dieu est le Bien suprême. Et si Jésus peut avoir de telles exigences à notre égard, c’est justement parce qu’il est la deuxième personne de la Sainte Trinité, il est Dieu lui-même.
Celui qui ne porte pas sa croix pour marcher derrière moi ne peut pas être mon disciple.
Ce qu’il nous demande est véritablement crucifiant, au-delà de nos perspectives humaines raisonnables, au-delà de nos forces et de notre bonne volonté. Pourquoi tant de radicalité dans son enseignement ? Pourquoi mettre la barre si haut pour ceux qui veulent devenir ses disciples ? N’est-ce pas décourageant ? Nous devons comprendre que le Seigneur désigne ainsi les obstacles qui se dressent sur notre chemin de sainteté. Les biens humains peuvent devenir des obstacles si nous les absolutisons, si nous oublions qu’ils sont éphémères, fragiles et relatifs, si nous prenons les moyens pour la fin. Cela n’est probablement pas par hasard que notre Evangile suit la parabole des invités au banquet dans le Royaume de Dieu : Un homme donnait un grand dîner, et il avait invité beaucoup de monde. A l'heure du dîner, il envoya son serviteur dire aux invités : 'Venez, maintenant le repas est prêt.' Mais tous se mirent à s'excuser de la même façon. Le premier lui dit : 'J'ai acheté un champ, et je suis obligé d'aller le voir ; je t'en prie, excuse-moi.' Un autre dit : 'J'ai acheté cinq paires de bœufs, et je pars les essayer ; je t'en prie, excuse-moi.' Un troisième dit : 'Je viens de me marier, et, pour cette raison, je ne peux pas venir.'
Le lien semble en effet évident avec notre Evangile car dans cette parabole l’attachement à des biens matériels (un champ, des bœufs) ou à des biens familiaux (le mariage) constitue un obstacle dans la réponse positive que les invités doivent donner à Dieu.
Comme tout enseignement biblique nous devons le recevoir avec sérieux et dans son contexte, car Dieu ne peut pas se contredire. Préférer l’amour de Jésus à l’amour de sa famille ne signifie certainement pas abandonner ou mépriser ses proches. A la suite du commandement de Dieu qui nous demande d’honorer nos parents, saint Paul n’hésite pas à dire : Si quelqu'un ne s'occupe pas des siens, surtout des plus proches, il a déjà renié sa foi, il est pire qu'un incroyant.
Cela n’enlève rien au fait que dans certaines circonstances crucifiantes des enfants devront déplaire ou même faire de la peine à leurs parents pour être fidèles à la volonté de Dieu sur eux. Si Jésus m’appelle à lui consacrer ma vie en tant que prêtre ou religieux, et si mes parents s’opposent à cet appel, je dois préférer l’appel du Christ à l’avis de mes parents. C’est cela préférer Jésus à ses parents. Comme préférer Jésus à sa propre vie, c’est être prêt à aller jusqu’au martyre pour lui rester fidèle avec la grâce de Dieu. Dans ces choix extrêmes, héroïques, nous portons véritablement notre croix à la suite de Jésus.
La petite histoire de la tour à bâtir reprend quant à elle une sentence de l’Ecclésiaste : « Mener à bien une entreprise vaut mieux que la commencer : c’est la persévérance qui compte, et non la prétention ». Porter notre croix à la suite de Jésus ce n’est donc pas seulement poser des choix héroïques, c’est aussi et surtout persévérer dans notre amour de Dieu et du prochain à travers l’accomplissement fidèle et généreux de notre devoir d’état. Voilà un beau programme de rentrée pour tous ! Programme irréalisable si nous ne mettons pas la prière personnelle au cœur de nos journées, idéal utopique si nous ne faisons pas l’expérience personnelle de la présence aimante de Dieu dans nos vies.